Bâtiment désaffecté

Sites et sols pollués : d’immenses enjeux sanitaires, environnementaux, techniques et financiers

A la UneParole d'expert22/09/2021

3 questions à Nicolas Bouchery, expert Environnement et Responsable national domaine Sites et sols pollués.


Souvent méconnu, le sujet des sols pollués est de nouveau dans l’actualité avec le chantier pharaonique du Grand Paris. Alors, quel est l’état des lieux des sols pollués en France ? Quels sont les enjeux environnementaux, économiques et de protection des personnes ? Quelles règlementations ? Comment les collectivités et les entreprises, notamment industrielles et du secteur de la construction, appréhendent-elles le sujet ? On en parle avec notre spécialiste dans cette nouvelle édition de Parole d’Expert.

Bonjour Nicolas. Selon une définition simple, un site est pollué lorsqu'on détecte dans son sol une substance non-présente à l'état naturel, entraînant un risque inacceptable pour les cibles à protéger et pour un usage donné du site. Où en sommes-nous en France sur le sujet ? Quels sont les polluants les plus présents dans nos sols ? Quelle est la règlementation et quels sont les enjeux ? 


Sur le territoire métropolitain, la situation est hétérogène et principalement le fruit de l’histoire industrielle du pays. A cet égard, certaines régions sont historiquement plus impactées que d’autres, notamment le nord de la France, la région Rhône-Alpes ou encore l'Ile-de-France. Une base de données officielle, Basol, récolte et conserve en mémoire, sous l’égide du ministère de la Transition écologique, plusieurs milliers de sites et sols pollués ou potentiellement pollués appelant une action à titre préventif ou curatif. Cette base comptabilise aujourd’hui 6 838 sites avec une pollution avérée. Une autre base de données, Basias, fait état de 340 000 sites industriels, sans préjuger d’une éventuelle pollution sur chaque site. Les inventaires ne sont pas réalisés partout en Europe, ni forcément sur les mêmes critères. Il est donc difficile aujourd’hui de situer la France dans le contexte européen. Nous avons quoi qu’il en soit le mérite d’avoir réalisé ces études et observons une règlementation qui se renforce avec le temps. Concernant les polluants, on trouve majoritairement les familles des hydrocarbures, des solvants chlorés, des polluants minéraux divers (métaux), et de plus en plus des polluants « émergeants » de type PFAS.

 

Chaque terrain d’étude est unique. On doit répondre à de nombreuses questions : Quelles activités industrielles sont répertoriées ? De quelles façons ont été exploités les sites ? Sur quelle durée ? Avec quel contexte géologique ? Est-ce que les pollutions ont impacté les ressources « eau » (souterraine ou en cours d’eau) ou des sites naturels sensibles ?

 

Une approche est faite au cas par cas, en fonction de l’histoire de chaque site. Nous nous appuyons bien évidemment sur la méthodologie nationale en matière de caractérisation, et développons, en suivant, des solutions de gestion spécifiques. En la matière, nous réalisons des actions de recherche et développement, intégrées aux études de faisabilité. La multiplicité des opérations réalisées et des solutions apportées nous permet d’avoir aujourd’hui un savoir-faire important dont nous bénéficions sur les nouveaux projets. Aux enjeux sanitaires, environnementaux et techniques, se rajoutent les enjeux financiers, et d’optimisation des coûts qui peuvent représenter parfois des centaines ou des millions d’euros, et dont dépend bien souvent la réalisation ou non du projet.

 

D’une façon générale, c’est le projet futur sur un site à aménager, typiquement une ancienne friche industrielle, qui va orienter les moyens et conditionner la nature des actions à mener pour réhabiliter un terrain, qu’il s’agisse d’un projet industriel, résidentiel ou encore une zone naturelle. Notre marché devrait connaître une croissance soutenue dans le futur avec la volonté de stopper l’artificialisation des sols dans les projets d’aménagements (20 000 hectares d'espaces naturels ont été artificialisés chaque année entre 2006 et 2016). Le législateur et les collectivités vont privilégier désormais la réhabilitation d’anciennes friches industrielles. Parmi les signaux les plus récents, les entreprises d’entrepôts logistiques se sont engagées à limiter l’artificialisation des sols dans le cadre de la signature d’une charte entre le gouvernement et les acteurs du e-commerce en juillet dernier.

 

Pour conclure ce tour d’horizon, j’ajouterai que les règlementations à respecter sont multiples, comme le Code de L’environnement, le Code civil (vice caché), ou encore le Code du travail avec l’obligation de protection des salariés pour les chefs d’entreprises. C’est précisément la complexité des règles qui donne toute sa valeur à l’accompagnement d’un expert tiers. Celui-ci aura une vision globale du projet pour anticiper au mieux les risques et imaginer les bonnes solutions. Sur ce point, et pour nos clients, comme souvent, c’est l’anticipation et la prise en compte de toutes les dimensions d’un projet qui feront son succès. 

 
Nicolas Bouchery
Nicolas Bouchery
Responsable national domaine Sites et Sols Pollués
Titulaire d’une maîtrise Biochimie Microbiologie Marine de l’Université Pierre et Marie Curie et d’un Master 2 Ressources Naturelles et Environnement de l’Université Henri Poincaré de Nancy, Nicolas débute sa carrière en 2002 en tant que coordinateur animateur des bassins versants de la Lieue de Grève (Lannion-Trégor Communauté). En 2003, il rejoint la Chambre d’Agriculture pour occuper les fonctions de conseiller Hydraulique et Environnement. Il intègre Apave en 2007 en tant que Consultant en environnement, puis Manager Environnement et gestion des risques en 2015, Chef d’agence conseil santé sécurité et environnement en 2018 et Responsable national domaine Sites et sols pollués depuis 2021.
Ballots de déchets
Ballots de déchets

Précisément, pour Apave, quel rôle jouez-vous sur le sujet et qui sont vos clients (collectivités ? entreprises ?) ? Quelles sont pour vous les étapes à respecter pour dépolluer un site et pour respecter la réglementation ? Jusqu’où peut-on aller ?

 

Déjà nous disposons bien sûr de la certification LNE  et avons plus de 45 consultants spécialisés Sites et sols pollués (contre 7 il y a une douzaine d’années) avec des interventions réalisées à la fois aux niveaux national et international, notamment en Afrique. Nous disposons ainsi d’une équipe solide, de compétences multidisciplinaires larges, d’une longue expérience et d’un savoir-faire nourri par tous les projets menés partout où notre groupe est implanté. En phase avec les attentes de nos clients, nous proposons une approche globale – règlementaire et non règlementaire – dans le cadre d’une offre très structurée et adaptable. En tant que bureau d’étude nous allons du conseil à l’élaboration de solutions de réhabilitation intégrant de l’innovation et R&D en passant par les diagnostics sur site (prélèvement des sols, de l’air ambiant). Cette capacité de conseil et d’accompagnement opérationnel jusqu’à la démonstration de la réhabilitation effective fait la différence. Avec nos partenaires juridiques, nous jouons aussi notre rôle d’interface technique et juridique, auprès des élus, de l’administration, des préfets, de la DREAL. Encore une fois, nous sommes dans un environnement complexe, il y a beaucoup de jurisprudence, il n’y a pas de place pour l’improvisation…
Notre activité est en forte croissance et nous recrutons un peu partout en France.

 

Nos clients sont dans les secteurs publics et privés. Nous avons une très forte expertise auprès des collectivités. Nous travaillons par exemple sur la réhabilitation de friches industrielles, des aménagements de ZAC pour la Métropole de Lyon, la mairie de Bordeaux ou encore celle de Nantes. Nous accompagnons aussi beaucoup d’industriels : depuis un site nucléaire jusqu’à un garagiste qui a un projet d’extension. Nous sommes également très présents sur le marché de la promotion immobilière, en amont des demandes de permis de construire et dans le cadre de prestation globale, des diagnostics aux solutions, ce qui fait notre force.

 

Sur le marché, et à court terme, il faut citer le plan France Relance qui subventionne la réhabilitation de sites pour de nouveaux projets d’aménagement. Nous accompagnons déjà plusieurs collectivités sur ce type de projets, comme la CCI de Bayonne. A moyen et long terme, le marché devrait continuer à croître, les enjeux sont là et la réglementation devrait aussi se renforcer avec notamment la loi ASAP qui va structurer les modalités de cessation d’activités des entreprises. Nous aurons alors une délégation de service public pour la constatation des réhabilitations des sites ad hoc. 
  

On parle beaucoup de la gestion des « datas » pour imaginer des solutions, pouvez-vous nous en dire plus ?

 

Il est indéniable que nous sommes sur un sujet qui favorise l’innovation et la R&D. Le premier chantier est finalement celui de la connaissance. Pour le mener à bien il est nécessaire d’avoir un équipement efficace de la totalité de nos collaborateurs sur le terrain pour collecter les informations. C’est la raison pour laquelle nous sommes en cours de déploiement auprès de nos collaborateurs de tablettes pour industrialiser les saisies et collecter toutes les données qui viennent enrichir les bases de données. Nous collectons aujourd’hui des milliards de datas. Les données étant géolocalisées, nous pouvons ainsi cartographier les projets, proposer des analyses géostatistiques, comparer les projets et solutions de gestion et capitaliser au profit des nouveaux projets. Aujourd’hui, le traitement des « datas » est essentiel à l’échelle d’un territoire, d’une collectivité, et nous pouvons les accompagner sur ces sujets-là pour cartographier, parcelle par parcelle, l’état environnemental d’un territoire donné. C’est une couche additionnelle qui peut être intégrée dans les Systèmes Information Géographique (SIG) que vont utiliser les collectivités. Toutes ces connaissances nous rendent plus « intelligents » aujourd’hui pour trouver les meilleures solutions à la fois pour l’environnement et pour optimiser les coûts d’un projet, d’une réhabilitation. Pour exemple, dans le cadre d’une mission pour l’agglomération de Saint-Etienne pour la construction du Tram, nous avons travaillé sur le criblage des terres polluées, pour recomposition et réutilisation de terres non polluées. A la clé, c’est un succès sur le plan environnemental et des économies très importantes pour la collectivité. Le traitement de terres polluées représente en effet un coût important. Sur la partie solution, Apave est maître d’œuvre et peut coordonner différents partenaires, notamment des entreprises locales qui connaissent particulièrement bien le terrain. Cette capacité de travailler avec les autres acteurs et à coordonner un projet n’est possible que parce que nous avons l’approche globale dont je parlais précédemment.

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